Nous sommes quelques uns à descendre du train à Ulzio, territoire italien dans les montagnes… Il y a une jeune fille d’une dizaine d’années, en fauteuil roulant (elle est tombée parce qu’elle a été bousculée et s’est cassé la jambe), avec sa mère et une autre dame, et puis 2 ou 3 messieurs … Normalement, un car doit attendre pour emmener les voyageurs de l’autre coté de la frontière, mais…Rien du tout…Sur la petite place derrière la gare, il n’y a rien… Quelqu’un nous dit que le car n’est pas venu, à cause des grèves de carburant… N’importe quoi ! oui, c’est bien la Vallée heureuse !
N’importe où ailleurs,
Les cars seraient à l’heure
Mais pas dans la Vallée heureuse
La Vallée ombreuse.
Quelqu’un nous dit qu’un autre car va arriver, sûrement, d’une autre compagnie … Je décide de ne pas l’attendre et mes souvenirs d’auto stoppeuse me reviennent : Bien que tout soit désert autour, sous les hautes montagnes (nous sommes en mai, presqu’en juin, mais les sommets bas sont enneigés), juste à ce moment-là j’aperçois une voiture avec un fanion « Vallée heureuse », et deux vieilles personnes qui s’apprêtent à monter dedans… 🙂 je leur demande, elles acceptent de m’emmener, et nous partons par les rues vides, jusqu’au pied de la montagne que nous commençons à gravir dans une voiture confortable dont je serais bien en peine d’indiquer la marque … 🙂
Il y a des années et des années, et encore beaucoup d’années que je n’ai pas vu ce paysage. Nous grimpons, parmi les sapins verts et les mélèzes gris, sous le ciel bas, et je pense encore à la Norvège…Décidément…
Les gens qui m’emmènent me donnent des nouvelles de la Vallée , qu’ils n’ont jamais quittée, sinon pour de rapides escapades à la grand ville, ou de courts séjours dans les mers du sud …mais toujours, ils retrouvent leur Vallée avec grand plaisir, ils y mourront, ils y sont nés, et ont les rides tannées des grimpeurs de la région … 😮 😛
Nous montons, le conducteur négocie parfaitement les virages, car la route est en lacets, nous discutons de ma reum (hasard des rencontres), qu’autrefois il a bien connue, puisque c’était son banquier, et il m’annonce que maintenant les versants proches du sommet , du coté de la frontière, sont cachés par plusieurs trés longs tunnels : Et effectivement, voici une succession de tunnels, dont chacun fait plusieurs centaines de mètres, voire des kilomètres, larges comme des autoroutes ! oui ! étonnant ! surtout quand on connaissait l’ancienne route cassage de g… des tunnels à 4 voies … 🙂 et voilà, nous débouchons (comme quand saute un bouchon de champagne, sur un paysage plat entre 2 sommets (c’est comme l’oeil au coeur d’un cyclone, une vallée étale au sommet de la grande montagne) , et , devant nous, plus loin, s’amorcera la descente vers la Vallée heureuse : D’ailleurs même le temps change (car dans la vallée existe un micro climat)…Au lieu de la grisaille, s’effilochent des bandes de nuages dorés et roses, avec des morceaux de soleil trainant au milieu …Il n’est même pas tard ! 🙂
Nous passons sur cette route presque plate, au sommet, ou s’ étale, à notre droite, un village de montagne un peu chic avec de beaux chalets étalés sur les pentes douces, des magasins de ski et de sport, et des remonte-pente un peu partout … Le conducteur et sa dame me racontent une histoire de migrants : dernièrement, des voyageurs lointains , qui voulaient passer la frontière, ont marché dans la montagne et l’un d’eux a dû être amputé d’un pied, qui avait gelé … C’était dans le journal de la vallée … Je ne sais que dire, juste « C’est sur que quand on vient d’Afrique, le passage de cette montagne peut surprendre « … Ca m’a rappelé quelque chose, d’il y a longtemps : Lorsque ma reum était encore là, elle m’avait raconté (elle avait vu ça elle aussi dans le journal de la vallée heureuse ), que les douaniers (c’était à l’époque des frontières européennes bien gardée, fouilles d es voitures et tout, droit de ramener 2 bouteilles mais 3, etc …) , les douaniers, donc, avaient arrêté quelques malheureux qui tentaient de passer cette frontière … Ils étaient turcs, et pour qu’on les prenne pour des skieurs, de loin, ils avaient mimé les mouvements avec les bâtons de ski … … Je pense souvent à des choses que me racontait ma reum, émouvantes comme cette histoire… Je revois son air, quand elle me disait ça, essayant de me faire passer quelque chose au moins, de compatissant …
J’aimais bien ces cotés « A l’écoute », chez elle … 🙂
La suite demain … Je boude Berlioux en ce moment, mais vous verrez que j’ai quand même trouvé le moyen de nager … 🙂