(photo J.M. )
La mairie de Deauville projette depuis quelques jours le drapeau de l’Ukraine sur une villa du front de mer qui appartient à l’ » Etat Russe ». C’est une bonne initiative, je trouve, de la part du maire de Deauville, et il suit, en ça, des dispositions prises dans d’autres villes, par exemple à Lisbonne où le drapeau est projeté sur l’ambassade de Russie.
Un poème de Ossip Mandelstam, pour M. Poutine , faites suivre :
« Sur la terre vide clochant malgré elle
D’une démarche irrégulière et douce,
Elle va, devançant un petit peu
Sa rapide compagne et l’ami plus âgé à peine.
Ce qui l’entraîne est la légère entrave
De cette infirmité qui vivifie,
Et l’on dirait que voudrait s’attarder
Dans sa démarche le soupçon lucide
Que cette journée de temps printanier
Nous est l’aïeule de la voûte du tombeau
Et que tout commence éternellement.
Il est des femmes proches de la terre humide
Et chacun de leurs pas est un sanglot sourd.
Leur vocation est d ‘escorter les morts
Et, les premières, d ‘accueillir les ressuscités.
C’est un crime d’en exiger de la tendresse,
Au-dessus de nos forces de nous en séparer.
Ange aujourd’hui, demain ver du tombeau,
Après-demain–simple contour à peine.
Ce qui fut notre pas sera hors de portée,
Les fleurs sont immortelles. Le ciel d’un seul tenant.
Et ce qui adviendra : simple promesse.
(4 mai 1937, Voronèje)
Et maintenant, un poème pour moi :
Le poirier a tiré sur moi, le merisier,
De leur force friable, sans jamais me rater.
Les grappes et les étoiles, les étoiles et le feuillage,
Dans quelle floraison, le vrai ? Quel est ce pouvoir en partage ?
Que ce soit aile ou fleur — blancheur d’air, cela frappe
Contre l’air, assommé par la massue des grappes.
Et de ce parfum double la farouche suavité
Bataille, se prolonge, mélangée, fragmentée.
(4 mai 1937, Voronèje)
Il va y avoir des poèmes comme ça, de Mandelstam, sur ce blog, jusqu’à ce que cette guerre se termine. J’espère ne pas arriver au bout de mon bouquin … et si j’arrive au bout, j’en commencerai un autre. (j’habite dans le quartier d’une librairie russe, dans laquelle j’allais assez souvent autrefois, et je leur ai acheté pas mal de trucs, notamment des bouquins d’illustrateurs, j’adore ça… si je savais comment faire, avec Internet, je mettrais aussi tout ça en russe). Là, les traductions sont on ne sait pas bien de qui, ils se sont mis à plusieurs, et chaque poème , chaque écrit de Mandelstam ne porte pas d’indication de son traducteur… j’avais acheté ce livre, une fois, dans une librairie assez sombre, rue de Médicis, il y a un moment, (librairie disparue) où on trouvait toutes sortes de bouquins qui me semblaient mystérieux et ésotériques (il y avait tout Julien Gracq, par exemple ) , : on arrivait là, après une promenade, en se disant qu’on allait en acheter un, qui allait nous faire découvrir quelque chose de caché, et qu’ensuite la vie immédiate se transformerait, prendrait des couleurs , par force… 🙂 pour Mandelstam, c’était un … c’était quelqu’un qui me plaisait et qui m’avait parlé de Mandelstam, et j’ai acheté ce livre, et mon histoire avec ce quelqu’un s’est effondrée aussitôt née … 🙂 mais j’ai gardé le livre … 🙂
Hier et aujourd’hui, j’ai nagé à la piscine des Halles, mais pas longtemps à chaque fois (c’est le repos du Week-end, le repos du guerrier. Aujourd’hui, ce furent des longueurs de papillon, quelques une, un peu papillon, un peu autre chose pour les respirations, en essayant de nager le mieux possible, et lentement. Lentement, tout en allant vite quand même. Quand il y a peu de monde, je perfectionne la technique. Là c’était pas mal, pour le pap, j’avais la place de bien m’étirer , et de chercher les meilleurs appuis, je ne suis pas excellente en pap…toujours ce déséquilibre quand je respire… s’il n’y avait pas ça, je le nagerais bien. Mais en réalité, je le nage mal, ça m’énerve. Ça fait des années que je suis dessus, et je n’arrive toujours pas à faire ce que je veux. Comme je m’imagine toujours que je peux réussir tout ce que j’entreprends, là, le pap, c’est une grosse claque … 🙂 exactement comme l’harmonica…
J’ai vu le copain brésilien, toujours excellent …il ya un monde entre ce qu’il fait et ce que font les autres, même les rapides, les bons… lui c’est juste « Hors concours » … il y a un autre mec qui nage très bien aussi, notamment sur le dos, avec qui je parle de temps en temps, qui nage avec une combinaison, (ce qui lui permet de mieux flotter, mais il a une technique excellente) et , bien qu’il ne fasse à chaque fois que 1.000 ou 1500m (apparemment il n’a pas besoin de plus), je regarde de temps en temps sous l’eau …lui, le nageur brésilien et mon copain qui fut champion de France de dos,(et aussi un autre nageur de dos qu’on avait vu des années à berlioux et qui était top top top en dos) nagent ça de la même manière, complètement fluides, exactement placés où il faut, avec de gestes lents, et ils vont plus vite que TOUS les autres… donc quand je vois ça, par mimétisme, j’essaie de faire pareil, mais c’est le flop … je nage bien, c’est sur, mais je suis loin de l’excellence… ça me fait enrager !
Petite offensive de l’hiver, nous aurons eu une semaine de vrai hiver ! 🙂
J’ai lu ces derniers jours un livre d’entretien avec Marguerite Duras , qui m’a beaucoup intéressée : le livre est court , et il a d’abord paru en Italie (l’intervieweuse est italienne) : elle a donc traduit les propos de Duras en Italien, et ensuite , pour que ce soit publié en français (ce qui n’était pas le cas, quelqu’un s’en est avisé plus tard) , il y a eu une traduction en français, à partir de l’italien ! et c’est très intéressant . ce va et vient d’une langue à l’autre donne un autre relief à ce que raconte Duras. Sur la photo de couverture, on la voit, à la fin de sa vie, toute ridée, crevassée, avec un foulard et un chandail, et on imagine sa jupe, (elle était tout le temps habillée pareil, parait-il), et il y a une telle différence avec les portraits de Duras jeune (je la trouvais, dans son adolescence, d’une beauté surnaturelle..) ; je n’ai jamais vraiment lu cette écrivain, sauf rapidement, et sauf une fois, le livre « les yeux bleus cheveux noirs », parce que, coïncidence , j’avais acquis le livre au moment où j’avais fait la connaissance d’un beau jeune homme, un nageur hongrois, qui était artiste peintre et crevait de faim, mais nageait tous les jours à la piscine Jean Taris, et qui avait les yeux bleus et les cheveux noirs … (là aussi, histoire qui s’éteignit avant d’avoir commencé, néanmoins je restai amie avec lui )… 🙂 je n’avais pas réalisé jusqu’alors à quel point Mme Duras est l’écrivain de la passion amoureuse, je ne sais pas si on peut dire ça comme ça… 🙂 de la passion amoureuse des femmes, même … 🙂
Par exemple, elle dit » Toutes les fois où, dans ma vie je cessais de vivre avec un homme, je me retrouvais. Les livres les plus beaux, je les ai écris seule, ou avec des amants de passage. Des livres de solitude, j’appellerais ça. »
Il semble donc que la passion amoureuse soit un travail (même inconscient) à part entière …en tous cas pour les femmes … les hommes , eux, sont capables ,à ce qu’il parait, de vivre une passion et d ‘écrire dessus en même temps, tout en continuant à intervenir dans le monde … 🙂 mon Cheval me signale qu’ils sont même capables de vivre PLUSIEURS passions en même temps ! (ça, c’est fort, hihi ) 🙂
L’intervieweuse demande : » Que pensez-vous des hommes ? »
–« Qu’ils vivent dans une espèce d’opacité de la vie, au point de ne pas s’apercevoir de la plupart des choses qui les entourent . Pris par eux mêmes. Par ce qu’ils font, parfois au point de ne jamais savoir ce qui se produit, sans bruit, dans la tête d’une femme. Il existe encore, je crois, une catégorie phallique qui se prend tellement au sérieux. «
🙂
……..
« Que reprochez vous aux hommes ? »
—« Qu’il faille beaucoup les aimer pour supporter leur besoin d ‘intervenir, de parler, d’interpréter , tout ce qui arrive autour d’eux. »
« Vous avez souvent déclaré que » les hommes sont tous homosexuels » » (moi aussi, c’est un truc que je pense profondément , ndlr)
—« Impuissants à vivre jusqu’au bout la puissance de la passion, j’ajouterais. Prêts à comprendre seulement ceux qui leur ressemblent. le vrai compagnon de la vie d’un homme—le confident réel—ne peut être qu’un autre homme. Dans l’univers masculin, la femme est ailleurs, dans un monde que, de temps en temps, l’homme choisit de rejoindre. » (ça, ces derniers propos, ça colle très bien à un truc dont je me suis rendu compte il n’y a pas si longtemps, concernant une personne en particulier… j’ai vu ça très précisément, et ensuite, je suis tombée sur ce propos de Duras –ndlr)
« Que pensez vous de l’homosexualité ? »
— » Il manque à l’amour entre semblables cette dimension mythique et universelle qui n’appartient qu’aux sexes opposés : plus encore que son amant, l’homosexuel aime l’homosexualité. C’est pourquoi la littérature –il suffit de penser à Proust—a dû convertir la passion homosexuelle en passion hétérosexuelle. Alfred en Albertine pour être clair. «
……………………
Il y a encore des centaines de trucs intéressants, dans ce livre d’entretiens, et notamment sur l’impossibilité, d’après elle, d’accomplissement on dira, de la la passion amoureuse … 🙂
Là, j’ai juste piqué un petit bout au hasard du livre … (Marguerite Duras, La Passion Suspendue, entretiens avec Léopoldina Pallotta della Torre ). (parution au Seuil, 2013) …